jeudi 23 avril 2015

Rien à saisir



J’ai bien reçu Monsieur l’huissier,
Votre avis des sommes à payer,
Votre proposition polie
D’accord sous peine de saisie.
J’aurais aimé vous satisfaire
Mais voilà, après inventaire,
Après être allé jusqu’au fond
Où d’autres appels du même nom
M’écrasent au nom de la loi
Du poids de tout ce que je dois,
Dans tout ce que j’ai à offrir
Il n’y a, je crains, rien à saisir

Vieilles chaises un peu brisées,
Blessures mal cicatrisées,
Un chat gris, sa caisse et ses puces,
Je vois bien qu’il vous en faut plus.
J’ai bien plus à donner qu’à vendre
Et tout ce que j’ai pu apprendre,
Ce que je sais ou crois savoir,
Hélas, ne semble plus avoir
Tellement de valeur marchande
Dans le monde où l’argent commande,
De tout  ce que j’ai  à offrir
Il n’y a, je crains, rien à saisir

Soyez certain que j’ai noté
Les frais et les pénalités
Qu’à ma dette encore on ajoute
Pour m’aider à payer sans doute.
Peut-être que j’abuse un peu
Je mange encore un jour sur deux
Mais chaque pate que je mords
A comme un vieux goût de remords :
Suis-je coupable de la crise ?
Combien j’ai ruiné d’entreprises ?
Combien de banques vont souffrir
Qu’il n’y ait, chez moi, rien à saisir ?

Croyez que j’aimerais pouvoir
Vous régler mais tous mes avoirs
Ne sont plus rien. Reste mon être,
L’espoir de jours meilleurs peut-être,
Et tout ce qui m’est précieux
Mais ne vaut rien à vos yeux :
L’éclat du rire de mes enfants,
Mon frère et ma vieille maman,
Mes amitiés les plus fidèles
Et tout l’amour que j’ai pour celle
Qui aime ce que j’ai  à offrir
Et qu’elle seule peut saisir

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