samedi 26 novembre 2016

Rien à saisir

J'ai bien reçu, monsieur l'huissier,
Votre avis des somm's à payer,
Votre proposition polie
D'accord sous peine de saisie.
J'aurais aimé vous satisfaire
Mais, voilà, après inventaire,
Après être allé jusqu'au fond,
où d'autres appels du même nom
M'écrasent au nom de la loi
Sous le poids de tout ce que je dois,
De tout ce que j'ai à offrir,
Il n'y a, je crains,  rien à saisir

Vielles chaises un peu brisées,
Vieill's blessures mal cicatrisées,
Un chat gris, sa caisse et ses puces :
Je crois bien qu'il vous en faut plus.
J'ai bien plus à donner qu'à vendre
Et tout ce que j'ai pu apprendre,
Ce que je sais ou crois savoir,
Hélas, ne semble plus avoir
Tellement de valeur marchande
Dans ce monde où l'argent commande.
De tout ce que j'ai à offrir,
Il n'y a, je crains,  rien à saisir.

Soyez sûr que j'ai bien noté
Les frais et les pénalités
Qu'à ma dette encore on ajoute
Pour m'aider à régler, sans doute.
Peut être que j'abuse un peu :
Je mange encore un jour sur deux !
Mais chaque patte que je mord
A, j'avoue, un goût de remords :
Suis-je responsable de la crise ?
Combien j'ai ruiné d'entreprises ?
Combien de banques vont souffrir
Qu'il n'y ait chez moi, rien à saisir ?

Croyez-le, j'aimerais pouvoir
Vous régler mais tous mes avoir
Ne sont plus rien. Reste mon être,
L'espoir de jours meilleurs, peut être.
Car ce que j'ai de plus précieux
Ne vaut pas grand chose à vos yeux :
L'éclat du rire de mes enfants,
Mon frère et ma vieille maman,
Mes amitiés les plus fidèles
Et tout l'amour que j'ai pour celle
Qui aime ce que j'ai à offrir
Et qu'elle seule peut saisir

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